Côte d'Ivoire

Après les violences post-électorales de 2010-2011, la CPI a ouvert une enquête sur la situation en Côte d’Ivoire. Son ancien président et son ministre de la Jeunesse sont les accusés d’un procès en cours à la CPI à La Haye.
Situation phase: 
Enquête - en cours
Regions: 
Afrique
La Côte d’Ivoire a ratifié le Traité de Rome en 2013 suite à une décennie de campagne de la société civile coordonnée par la Coalition pour la CPI en Côte d’Ivoire. La mise en oeuvre partielle des crimes de la CPI dans le droit national a suivi en 2014.

L’ouverture d’un examen préliminaire en 2003 pour des crimes potentiels relevant de la CPI a été rendue possible par le biais d’un dispositif spécial du Traité de Rome, consistant à accepter la compétence de la CPI par les Etats non-parties, et ce pour la première fois. Initialement soumis par le président Laurent Gbagbo, l’article 12(3) de la déclaration avait été conservé par Alassane Ouattara quand il a accédé à la présidence en 2011. Un peu plus tard la même année, les juges de la CPI autorisaient l’ouverture d’une enquête complète pour crimes contre l’humanité découlant des élections contestées dans le pays, les camps Gbagbo et Ouattara étant suspectés d’avoir commis de graves crimes. Les juges ont ensuite autorisé l’élargissement de l’enquête à la période 2002-2010.

Le procureur a retenu plusieurs charges contre Gbagbo et son cercle. En 2016, Gbagbo est le premier ancien chef d’Etat a être jugé à la CPI. La société civile continue à demander à la CPI d’engager plus de poursuites auprès des responsables des deux camps au niveau national, et des réparations pour les victimes de cette violence post-électorale.

Background
La guerre civile a repris : 2010-2011 la violence post-électorale. Les violences ont éclaté dans et autour d’Abidjan dans les cinq mois qui ont suivi les élections présidentielles ivoiriennes en 2010. Le président sortant, Laurent Gbagbo, a contesté les résultats en faveur de son rival Alassane Ouattara et refusé de céder le pouvoir. Les violences qui en ont résulté ont fait 3000 morts, 7000 blessés, disparus ou personnes violées et plus de 100 000 personnes déplacées. La violence a marqué une reprise de la guerre civile dans le pays, caractérisée par des tensions ethniques entre les rebelles du nord du pays et le gouvernement au sud, dont la capitale Abidjan. Le conflit a pris fin suite à l’intervention des forces militaires internationales, dirigées par la France, et favorables au président Ouattara.
ICC situation

Le premier Etat non-membre à accepter la compétence de la CPI

La Côte d’Ivoire a signé la Statut de Rome en 1998 mais n’avait pas officiellement ratifié le Traité fondateur de la Cour jusqu’en 2013. En 2003, la Côte d’Ivoire est le premier Etat à accepter la compétence de la Cour par le biais d’un dispositif spécial pour les Etats non membres, en vertu de l’article 12(3) du Traité de Rome. Le pays réaffirme qu’il accepte la compétence de la Cour à travers deux communications distinctes en 2010 et 2011. La ratification et la mise en oeuvre du Statut de Rome surviennent en 2013 après des années de plaidoyer de la société civile.

Le procureur enquête sur les violences post-électorales en Côte d’Ivoire en 2010-11

Après avoir mené un examen préliminaire sur la situation en Côte d’Ivoire à partir de 2003, le Procureur de la CPI a requis à sa propre initiative un examen formel (proprio motu). En 2004, les juges de la CPI ont autorisé le procureur à enquêter sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis après les élections présidentielles contestées du 28 novembre. C’est la deuxième fois que le procureur ouvrait une enquête de son propre chef.

Des mandats d’arrêt contre le camp Gbagbo

Dans la première affaire ouverte par la CPI, le Procureur a allégué que Laurent Gbagbo et son entourage proche, dont l’ancienne première dame Simone Gbagbo et le jeune leader Charles Blé Goudé, avaient mis en place et à exécution un plan commun pour se maintenir au pouvoir après avoir perdu les élections présidentielles en 2010, encourageant des attaques contre les soutiens du président élu Alassane Ouattara. Le procès Gbagbo-Blé Goudé s’est ouvert en 2016. Simone Gbagbo a été condamnée par un tribunal ivoirien mais reste sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI.

La période d’enquête prolongée rétroactivement jusqu’en 2002

En février 2012, à la demande des juges de la CPI, le procureur a fourni des informations supplémentaires sur des crimes potentiellement commis dans le contexte de la guerre civile en Côte d’Ivoire entre 2002 et 2010. Sur la base de l’évaluation de ces informations, les juges ont autorisé l’enquête à couvrir la période du 19 septembre 2002 au 28 novembre 2010. Ils ont considéré que les événements violents en Côte d’Ivoire durant cette période (y compris les événements visés depuis le 28 novembre 2010) faisaient partie d’un même contexte au sein duquel une crise politique et une lutte pour le pouvoir ont abouti aux événements sur lesquels la Chambre préliminaire avait autorisé une enquête.

National prosecutions

Un chemin compliqué vers la justice nationale

En 2003, la Cour constitutionnelle ivoirienne a déclaré que le Traité de Rome était incompatible avec la Constitution. En 2012, le parlement a finalement adopté une loi modifiant la Constitution, ce qui a entraîné la ratification du Traité de Rome l’année suivante.

En 2014, le Parlement ivoirien a adopté des amendements visant à mettre les codes de procédures pénales et criminelles du pays en conformité avec le Traité de Rome. Bien que les amendements permettent la poursuite des crimes par la CPI et, en fait, définissent les crimes de guerre plus largement que le Statut de Rome, ils n'incluent pas de dispositions visant à renforcer la coopération avec la CPI. La législation permet l'impunité par des clauses de dérogation basées sur la qualité d’officiel et la possibilité de grâce présidentielle.

En mars 2015, l'ancienne première dame Simone Gbagbo a été reconnue coupable  d’atteinte à la sécurité de l'État par un tribunal ivoirien, et condamnée à purger 20 ans de prison. Les juges de la CPI estiment toutefois que les procédures nationales ne reflètent pas la gravité des charges de la CPI et ont statué sur le fait que Simone Gbagbo devait être transférée à La Haye pour y être jugée.

Les groupes de la société civile ont également soutenu des affaires dans les tribunaux nationaux pour les victimes et les communautés que la CPI n’était pas capable d’accueillir.

Civil society advocacy

La société civile en Côte d’Ivoire

La Coalition pour la CPI en Côte d’Ivoire est l’un des réseaux le plus actif de la société civile qui oeuvre pour faire progresser la justice envers les crimes internationaux graves. Grâce à une série d'activités de sensibilisation et de plaidoyers auprès d'acteurs nationaux et internationaux, la Coalition de la Côte d'Ivoire a fait campagne avec succès pour la ratification et la mise en œuvre partielle du Statut de Rome. La Coalition continue de travailler avec le gouvernement pour réformer la capacité du système judiciaire national à poursuivre les graves crimes internationaux et à coopérer avec la CPI.

Une justice unilatérale ?

La société civile, y compris les organisations ivoiriennes mondiales et locales, exhortent la CPI et le gouvernement ivoirien à veiller à ce que toutes les parties au conflit soient poursuivies pour des crimes graves. Le procureur a souligné à maintes reprises que les enquêtes sont en cours et que par conséquent, tous les responsables des crimes seront tenus responsables.

La Coalition et divers membres ont prévenu que le manque de présence et de sensibilisation de la CPI dans le pays diviserait profondément l'opinion publique déjà très polarisée dans le pays.