Katanga : Réactions aux mesures de réparation historiques de la CPI en faveur des victimes
Le 24 mars 2017, les juges de la CPI ont décidé que les dommages matériels, psychologiques et physiques subis par les victimes et reconnus en vertu de la condamnation en 2014 de Germain Katanga par la CPI, s’élèvent à 3 752 700 USD de dommages et intérêts. Les juges ont estimé que Katanga était personnellement responsable de 1 million de dollars de l’attribution totale des réparations et que 297 victimes recevraient individuellement une indemnité symbolique de 250 USD.
Le montant restant sera affecté aux réparations collectives, ou à des projets à long terme visant des communautés entières du district de l’Ituri de la RDC ayant été également affectées. Le Fonds au profit des victimes (FPV) est désormais chargé d’élaborer un plan pour veiller à ce que les réparations accordées permettent d’obtenir justice pour les individus et leurs communautés, y compris en soutenant les possibilités d’emploi, d’éducation et de logement.
L’attribution des réparations fait suite à la condamnation de 2014
Germain Katanga avait été condamné en 2014 d’avoir joué un rôle central dans la planification et l’exécution d’une attaque de 2003 sur le village de Bogoro, dans l’est de la RDC. On estime qu’au moins 200 civils ont été tués lors de l’attaque. Après un procès de quatre ans, la CPI a reconnu Katanga coupable d’un chef d’accusation de crimes contre l’humanité (meurtre) et de quatre chefs de crimes de guerre (meurtre, attaque d’une population civile, destruction de biens et pillage) et il a été condamné à 12 ans d’emprisonnement.
« Il n’y a pas de véritable précèdent au régime d’indemnisation de la Cour », a déclaré le directeur du FPV, Pieter de Baan. « Ce n’est pas de la science. Il s’agit simplement d’arriver à une estimation du préjudice pour les crimes subis. »
Ce que tout le monde dit ?
Une déclaration de la Cour pénale internationale précise comment seront réparties les réparations :
« L'ordonnance prévoit deux types de réparations : à caractère individuel attribuée à l'individu afin de réparer les préjudices qu'il a subi, et à caractère collectif sous forme de projets de long terme qui s'adressent à la communauté dans son ensemble, tout en ciblant le plus possible les victimes individuelles. »
Pour le procureur de la CPI, Fatou Bensouda, la décision marque une victoire dans la lutte contre l’impunité :
« Ma propre motivation consistait à montrer et à envoyer un message haut et fort que ces genres de crimes [...] seront pris au sérieux par mon bureau et que des mesures seront prises pour y remédier. »
Jean Bosco Lalo, coordinateur de l’association la Société civile d’Ituri indique l’importance des réparations pour aider la communauté de Bogoro à clore un chapitre douloureux suite à l’attaque de 2003 :
« Etant donné qu’aujourd'hui les victimes et les bourreaux vivent ensemble, nous devons aider les gens à parvenir à une véritable réconciliation. »
Dismas Kitenge, président du Groupe Lotus, une organisation des droits de l’homme congolaise, souligne la signification d’une première ordonnance de réparation de la CPI reconnaissant les préjudices individuels, ainsi que l’urgence de l’attribution :
« Cette décision est importante. Elle reconnait pour la première fois les préjudices individuels et collectifs subis par les victimes et leur droit à réparation. Nous demandons désormais au Fonds au profit des victimes et à la CPI de mettre en œuvre ce plan dans les meilleurs délais, pour que les victimes obtiennent effectivement la réparation qui leur est due. »
Serge Ngabu, directeur des affaires juridiques du Comité exécutif de la Ligue pour la Paix, les Droits de l’homme et la Justice (LIPADHOJ), a ajouté :
« Pour maintenir une cohésion sociale et apaisée, les victimes qui se sont vues octroyées la réparation collective, j’exhorte en faveur de ces dernières la réparation collective qui prend en considération les intérêts individuels. »
Prochaine étape ?
Le directeur exécutif du FPV, Pieter de Baan, qui s’est rendu à Bogoro le mois dernier a mené des consultations avec les leaders communautaires, a partagé l’insistance des habitants à répondre aux besoins d’éducation pour leurs enfants et de formation professionnelle pour eux-mêmes - tout en soulignant l’importance de la gestion des attentes :
« Il est essentiel que toute attribution monétaire, qui l’obtient, comment elle est dépensée dans la communauté, soit bien compris et accepté. »
Le président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO), Jean Claude Katende, a interprété les ordonnances de réparation comme un rappel urgent au gouvernement de la RDC pour qu’il assume ses propres responsabilités en matière de réparation à l’avenir :
« Il est urgent que la RDC entende enfin les demandes de réparation des victimes. Le gouvernement doit notamment supprimer le paiement aberrant des « droits proportionnels », condition préalable pour espérer recevoir une indemnisation... Il est temps qu’une politique globale de réparation pour les victimes du conflit soit en œuvre par le gouvernement congolais. »
Eloi Urwodhi de LIPADHOJ a de même souligné le rôle crucial que les autorités du pays peuvent jouer dans l’élaboration et la mise en œuvre du plan de réparation attendu du FPV :
« L’affaire Germain Katanga étant de la situation de la RD Congo, j’exhorte les autorités congolaises nationales et locales à tirer leur épingle de jeu par leur apport significatif dans l’exécution, facilitation et concrétisation de réparation des victimes et surtout dans le développement de l’environnement des communautés affectées concernées. Elles doivent mettre en œuvre des projets ralentissant ou mettant fin à la pauvreté misérable qui a atteint son paroxysme actuellement. »
Le FPV devrait présenter son plan de mise en œuvre des réparations d’ici le 27 juin 2017.