La société civile se félicite de la décision de la CPI d’enquêter sur la situation au Burundi
« La décision de la CPI est un soulagement pour les victimes et un véritable début de la fin de l'impunité au Burundi. A partir de maintenant, les auteurs, co-auteurs et complices des crimes doivent comprendre que le jeu est terminé, ils ne seront pas capables de continuer de faire ce qu’ils veulent tout en commettant des crimes sur la population civile sans crainte de justice », a déclaré Lambert Nigarura, président de la Coalition burundaise pour la CPI.
« La Coalition pour la CPI salue l'annonce par la CPI de l'ouverture d'une enquête sur des crimes graves qui auraient été commis au Burundi - elle offre aux victimes à l'intérieur et à l'extérieur du pays une chance de justice et de réparation, y compris pour les victimes présumées de violences sexuelles », a déclaré Jelena Pia-Comella, directrice exécutive adjointe de la Coalition pour la CPI. « Les violations généralisées et systématiques des forces de sécurité contre des civils opposés à la décision du Président Nkurunziza de briguer un troisième mandat ont été largement documentées par les enquêteurs des Nations Unies et les organisations de la société civile, elles-mêmes sévèrement réprimées. En ouvrant cette enquête, le Procureur de la CPI réagit à une crise qui a vu des milliers de morts ou de disparus et jusqu'à 500 000 personnes fuir vers les pays voisins, créant une nouvelle instabilité dans une région qui sort encore des horreurs du génocide rwandais de 1994. »
« Nous sommes encouragés de voir la sensibilité du Procureur et des juges au besoin de protéger les victimes et les témoins potentiels en ouvrant cette enquête sur une crise particulièrement volatile et violente », a poursuivi Mme Pia-Comella. « Nous appelons la CPI à renforcer ses actions de communication, particulièrement en français, pour veiller à ce justice soit rendue aux personnes les plus touchées par les crimes allégués. Alors que les Etats membres de la CPI préparent la tenue de l'Assemblée des États Parties en décembre, il est opportun de rappeler que la CPI doit disposer des ressources et de la coopération nécessaires pour rendre justice de manière efficace au Burundi et partout où cela est nécessaire dans le monde. »
Selon Human Rights Watch, à la fin avril 2015, l'annonce par le Conseil National pour la Défense de la Démocratie - Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD - FDD) selon laquelle le Président Pierre Nkurunziza allait briguer un troisième mandat a déclenché des manifestations dans la capitale de Bujumbura, et plus tard dans d'autres villes. Les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, et les forces de sécurité du gouvernement, notamment le SNR, ont tué et torturé des dizaines de membres des partis politiques de l'opposition et d'autres opposants apparents depuis le début de la crise.
« Les membres des Imbonerakure et des forces gouvernementales ont fait des ravages, notamment des viols, des tortures et des exécutions, rendant le Burundi prêt à être examiné par la CPI », a a déclaré Param-Preet Singh, directrice adjointe du bureau Justice internationale à Human Rights Watch. « L'implication de la CPI signifie que les victimes au Burundi et leurs familles pourraient un jour voir les responsables traduits en justice. »
« La CPI a publié une décision courageuse, d'autant plus que l'enquête annoncée sera confrontée à de nombreuses difficultés en raison de l'absence de coopération d'un régime autoritaire. Depuis 2015, les autorités burundaises ont tenté de couvrir leurs crimes en limitant ou en refusant l'entrée d'observateurs internationaux et de journalistes. Le Burundi a tenté d'échapper à la justice internationale en étant le premier pays à se retirer de la CPI. L'annonce d'aujourd'hui montre que cette tentative était futile », a déclaré Karine Bonneau, responsable du bureau Justice internationale de la FIDH.
Selon un communiqué de presse de la CPI : « La Chambre préliminaire III a jugé que les éléments justificatifs présentés par le Procureur de la CPI, y compris les communications que celui-ci a reçues des victimes, donnent une base raisonnable pour mener une enquête concernant des crimes contre l'humanité qui auraient été commis à partir du 26 avril 2015 au moins au Burundi et, dans certains cas, à l'extérieur du pays par des ressortissants burundais, notamment : a) le meurtre et la tentative de meurtre ; b) l'emprisonnement ou la privation grave de liberté ; c) la torture ; d) le viol ; e) la disparition forcée ; et f) la persécution. Ainsi qu'elle l'a relevé, on estime que 1 200 personnes au moins auraient été tuées, des milliers auraient été détenues illégalement et des milliers d'autres torturées et que les disparitions se chiffreraient par centaines. Les violences alléguées auraient entraîné le déplacement de 413 490 personnes entre avril 2015 et mai 2017.
Ces crimes auraient été commis par des agents de l'État et d'autres groupes mettant en œuvre les politiques de l'État, dont la police nationale burundaise, le service national de renseignement et des unités de l'armée burundaise opérant en grande partie selon des chaînes de commandement parallèles et conjointement avec des membres des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir.
Les juges de la CPI ont déclaré que « le Procureur est autorisé à étendre son enquête à des crimes perpétrés avant le 26 avril 2015 ou se poursuivant après le 26 octobre 2017, si certaines conditions juridiques sont remplies. »
Ils ont également déclaré que « le Burundi est tenu de coopérer avec la Cour dans le cadre de cette enquête car celle-ci a été autorisée le 25 octobre 2017, avant la date à laquelle le retrait a pris effet. Cette obligation de coopérer subsiste tant que dure l'enquête, et elle s'applique à toute procédure résultant de celle-ci. Le Burundi a accepté ces obligations lorsqu'il a ratifié le Statut de Rome ».